Le footing. C'est une activité que je pratique de longue date (depuis hier), aussi suis-je tout à fait qualifiée pour en parler. J'ai déboulé à la campagne avec la ferme intention d'en finir avec cette masse molle me servant de corps. Dans le train, j'avais mis sur pied un programme sportif s'étalant sur 5 jours de pratique intensive du jogging, ça devait se dérouler ainsi: Jour 1: 20mn. Jour 2: 25 mn. Jour 3: 30 mn. Jour 4: 35 mn. Jour 5: 45 mn. J'avais même préparé mon parcours: 200 mètres sur une route de campagne, puis paf, bifurcation à l'intérieur des bois, grande boucle, puis retour. Tout était prêt.
Nous sommes jeudi matin, je me lance pour mon premier footing, équipée de mon short trop grand qui passe son temps à tomber, de mes lunettes de pouf, de mes baskets trop petites et de mon vieux chien obèse.
Je pars fièrement, la jambe légère, le souffle maîtrisé, l'allure souple, le short pendouillant, en ayant une pensée pour ces filles élancées que je vois parfois courir, la foulée longue, la respiration calme, le regard au lointain, accompagnées d'un golden retriver pure race tenant sa laisse dans sa gueule et obéissant au moindre geste de sa maîtresse. Et je me vois, mollasse, échevelée, poussive, suivie par mon bâtard de simili teckel vintage obèse et sourd qui trottine comme un sac derrière moi. J'efface la fille saine et son chien snob de mon cerveau et me concentre sur ma course.
200 mètres plus tard, le chien me double, mes jambes se font lourdes, j'arrive plus à respirer, je m'auto-diagnostique un pied bot, et la sueur me pique les yeux. Mais je m'accroche. C'est dans ta tête, je me répète. Je tourne dans les bois, et me retrouve, seule dans la forêt, avec Bartlechien. Mon coeur s'affole, mes muscles se tétanisent, je regarde mon chrono, me dis que ça doit bien faire 10-15 minutes que je cours, en fait ça fait 2mn14. Je refuse encore de revoir mes prétentions à la baisse, j'attends le second souffle en suivant le chien. Putain mais il marche. Puis je décide de penser à autre chose afin d'arrêter de me focaliser sur ma respiration, parce que depuis 100 mètres je sais plus si j'inspire ou expire, mais je crois que je ne fais qu'expirer. Alors je pense aux tueurs des bois, aux faits divers, aux joggeuses qui se font butter alors qu'elles courraient seules dans des lieux isolés. Je suis seule dans un lieu isolé, et me mets donc à écouter les bruits de la forêt, à l'affût d'un son de tueur. J'identifie en 30 secondes 43 bruits de tueurs différents. Mon chien s'en fout, il est sourd et il ne regarde pas les infos. J'accélère la cadence, entendez par là que je passe d'un trottinement lourd à un trottinement lourd mais un peu moins lent, tout en me demandant ce que je fais si le tueur se pointe, sachant que la fuite n'est pas une option; je suis déjà à fond et une sorte de ver de terre géant vient de me doubler. Lorsque soudain, un PAN fend l'air.
Diantre... la chasse. Là je commence à flipper sérieusement, pas à cause des 43 tueurs en série planqués dans les fossés, ni à cause du ver de terre géant radioactif, mais parce que je réalise que je suis dans des bois pleins de chasseurs probablement déjà bourrés étant donné qu'il est 9h du matin, ce qui correspond chez le chasseur à un 3h du mat' sortie de boîte de nuit chez un humain non doté d'un permis de chasse. Et le chasseur, s'il me voit dans son viseur, il va pas se dire "tiens, une fille poussive cernée par 43 tueurs qui se traîne derrière un chien de petite taille ayant tendance à l'embonpoint." Non, le mec, il va tout de suite penser: "putain un sanglier en short rouge trop grand accompagné d'un marcassin, et 43 gars qui l'ont aussi dans le viseur, FAUT QUE JE TIRE EN PREMIER."
Mon instinct de survie me dicte de faire demi-tour, seulement je me refuse à abandonner Bartlechien, lequel déambule désormais 50 mètres devant moi, et ne peux l'avertir de l'ordre d'évacuation d'urgence étant donné que ce con de clébard est sourd comme un pot. Pas le choix, je dois rejoindre le chien pour lui faire le signe secret du demi-tour (ça consiste à lui mettre un coup de pied au cul pour le remettre dans le bon sens) et décamper vite fait avant de me prendre une cartouche dans le fondement. C'est la fin de la dignité, place à la survie.
Accélérer. C'est problématique quand tu ne sens plus la partie inférieure de ton corps, mais je dois sauver le soldat Bart, alors je me déchire, je m'arrache en criant vainement "Baaaaaaart !", arrive finalement à sa hauteur, me semi ramasse sur une saloperie de racine, et dans un dernier effort attrape sa queue. Il n'apprécie pas mes manières, se retourne, me chique la main, et repart vers la maison en grognant. Sans même m'attendre. Ingratitude totale des animaux. Je repars en suivant l'anus de mon chien; c'est mon phare, mon guide, je le distingue entre les gouttes de sueur qui dégoulinent sur mon visage. Et je serre les dents et me motive, "suis l'anus, ioudgine, lâche pas l'anus, il te guidera vers la maison".
Pour ceux qui ne connaîtraient pas l'anus de mon chien (certains y voient Jésus, d'autres Chewbacca):
Je suis totalement focalisée sur l'anus lorsque des pas se font entendre derrière moi. Je me retourne, manque de me gaufrer et découvre une meute hostile de 4 ou 5 personnes âgées. OH MON DIEU, DES MARCHEURS DU 3ÈME ÂGE.
Ils me doublent. En marchant. Me saluent d'un "bonjour mademoiselle (lol)", auquel je réponds "rhaaaaa". Ils dépassent également l'anus de Bart qui en grognasse d'humiliation. Je ne comprends pas comment des gens très vieux qui marchent très lentement peuvent se déplacer plus vite que moi qui cours et un anus qui trottine, mais élude la question, j'ai ma vie à sauver, je dois m'extirper de ces bois, rentrer maison, suivre l'anus, mon précieux. Je suis décomposée, ne parviens plus à soulever mes pieds, sens mon coeur battre dans mes tempes, lorsqu'enfin, au delà de l'anus, se dessine la route. Sauvés. Nous sommes SAUVÉS. Euphorie. Les derniers 200 mètres s'avèrent cauchemardesques, l'anus accélère, je me transcende et parviens jusqu'à la maison, entre dans la cour où je me laisse tomber lourdement, en croix, en répétant fiévreusement "l'anus, l'anus". Dans un réflexe probablement post-mortem, je jette un oeil au chrono.
6mn30.
La honte.
Trop Fort!! J'adoooreee!!!
Rédigé par : ritakml | vendredi 30 septembre 2011 à 10:48
Wow preum's!
Rédigé par : Noemeye | vendredi 30 septembre 2011 à 10:49
Il faut persévérer, c'est un bon début ;)
Rédigé par : Keev, voyageur plongeur | vendredi 30 septembre 2011 à 10:56
Moi il me fait penser à Alf l'anus de Bart
Rédigé par : Julien | vendredi 30 septembre 2011 à 11:04
HAHAAA ! Merci.. !
Rédigé par : LN | vendredi 30 septembre 2011 à 11:12
Y'a rien à faire, je suis de plus en plus fan.
Record du monde des occurrences d'anus au mètre carré, respect.
Rédigé par : John Peace | vendredi 30 septembre 2011 à 11:16
Fabuleux !! Merci.
Rédigé par : Emma | vendredi 30 septembre 2011 à 11:21
Moi aussi quand je cours j'essaye de suivre un anus, mais il n'est pas canin celui qui me motive le plus...
Rédigé par : Denis | vendredi 30 septembre 2011 à 11:37
Trop bon !
Rédigé par : Marie | vendredi 30 septembre 2011 à 11:54
le signe secret du demi tour, j'ai bien ri.
Merci Ioudgine pour ces savoureux billets !
Rédigé par : Amandine | vendredi 30 septembre 2011 à 13:26
Moi je vois Kenny de South Park ><
Rédigé par : Came | vendredi 30 septembre 2011 à 15:06
Moi aussi j'ai commencé comme ça, en avril 2010. Ou presque, parce que j'avais pas de chien. Fais gaffe, ça prend vite ce virus, maintenant je suis inscrite au marathon de Paris pour 2012. C'est dan-geu-reux.
Rédigé par : Clara | vendredi 30 septembre 2011 à 16:40
épique ce trou d'bal pursuit !
Rédigé par : arturo bandini | vendredi 30 septembre 2011 à 16:49
Tueur en série, ver de terre radioactif, anus de Bartlechien pour se motiver et t'as tenu que 6 mn30 ??!!
Alors là, je comprends pas ...
Y a pourtant pas meilleure source de motivation.
Reste les stages commando ...
Rédigé par : Marie Mail Tout | vendredi 30 septembre 2011 à 17:01
On m'a dit qu'ici je pouvais insulter des féministes, mais j'ai pas compris où elles étaient: dans le groupe de vieux Flash Gordon? Ou alors, les bruits dans les bois étaient faits par 43 féministes enragées qui voulaient tuer mademoiselle ioudg?
A défaut de féministes, je peux au moins appeler Brigitte Bardot pour la prévenir de maltraitance d'anus de chien sourd?
Sinon, trop lol ton texte! Ioudg, génératrice de kikoos mdr !
Rédigé par : Anca | vendredi 30 septembre 2011 à 17:24
Iougdine, ça fait tellement longtemps ( ouais 2 ans max, mais quand même, j'y ai laissé, à cette fidélité, une copine anciennement nullipare qui m'avait pas annoncé la bazar...en lui lisant en pouffant de joie le post sur la baby shower...c'est long? Je sais) que je te lis...que je crois que je t'aime. Tellement tu me fais rigoler: t'es ma copine de blog en fait ( ouais avant j'en avais un. Comment? Pas mal, pas mal). Alors là, toute égrillardée par mon blanc sec, je franchis la jaune ligne pour une déclaration tout ce qu'il y a de plus cinglée...sur le blog d'une cinglée ( ? C'est ça c'est ça, je m'sens un peu chez moi en fait). Donc je t'annonce officiellement qu'aujourd'hui tu as une nouvelle copine ( avant j'étais juste fan)
Rédigé par : karynka | vendredi 30 septembre 2011 à 19:32
Waow. Respect pour ton talent d'écriture. Grosse claque (et quelques bonnes barres, au passage...).
Je viens à peine de découvrir ton blog, j'ai lu tes dernières notes, mais avant de m'enfiler l'intégralité de tes publications j'avais envie de te demander si tu es éditée quelque part ?
Histoire de sponsoriser un peu ton taf, tant qu'à projeter d'en faire la lecture ;)
Rédigé par : Lyl | vendredi 30 septembre 2011 à 21:49
Mais au fait?
que devient Rossinante?????
Rédigé par : viva!bertaga! | samedi 01 octobre 2011 à 01:00
Moi j'y vois une chouette
... avec une grosse paire de couilles.
Rédigé par : Pompon | samedi 01 octobre 2011 à 01:48
Lol, c'est comme un Rorschach en fait, ce truc. Y a un concept à développer je pense.
Rédigé par : Pompon | samedi 01 octobre 2011 à 01:50
" un Pan fend l'air" est une expression qui fera date.
PS: (Ne te vexe pas).Ce sont les plombs contenus dans la cartouche qui font mal.
et Bravo
Rédigé par : Axel Nader | samedi 01 octobre 2011 à 14:46
c'est bien ! l'important c'est d'en parler. Allé, courage pour le jour 2 !
Rédigé par : Petra | samedi 01 octobre 2011 à 15:01
6min 30 pour lire ton post. J'ai manqué mon jogging...
Dommage, je remets à demain...
Rédigé par : sto | samedi 01 octobre 2011 à 16:06
Un hasard bienveillant veut que je découvre toujours tes nouvelles aventures quand je suis seule chez moi. Abstraction faite du fait (il faut le dire vite) que ce détail me ramène à ma condition de semi-ermite, je dois dire que mon honneur ne s'en porte pas plus mal puisque je ne me suis, jusqu'à présent, jamais fait prendre à pouffer bêtement devant mon écran au milieu d'une foule inapte à comprendre le sujet de mon hilarité. Mais je ris pour tous les absents, qui ne se doutent pas d'à quel point ils ont tort.
Rédigé par : Much | samedi 01 octobre 2011 à 19:29
Moi, le cul de ton chien, il m'évoque une tête de chien. oui, c'est sans queue ni tête. Oui ce calembour est nul. Mais j'ai pire: oui, tu m'as fait rigollum.
Rédigé par : Bob le Moche | samedi 01 octobre 2011 à 21:45