Jeudi, je me traîne toute la journée avec cette sensation bizarre: j'ai faim, mais je sais pas de quoi. Le midi au restaurant, malgré un vaste choix, je parcours encore et encore la carte, dans l'attente d'une réaction de mon cerveau à la lecture d'un mot clef, en vain. Par dépit, je commande un plat neutre que j'ingurgite mécaniquement.
Le soir, chez moi, même combat. Le retour de la vengeance de la faim non identifiée. J'ouvre le frigo, tous les placards, je fixe les pâtes, les yahourts, le truc moisi au fond du bac à légumes, mon vaccin anti tétanos qui pourrit là depuis 3 ans (à ce propos, rappelez-moi d'éviter de marcher sur des clous rouillés), et ce qui devait être un citron dans les années 90; rien. Dépitée, je me mets à énumérer à voix haute tous les noms d'aliments que je connais, en espérant que mon neurone crie "STOP !". Patate. Pâtes. Hamburger. Cheeseburger. Double cheeseburger. Double cheeseburger avec supplément bacon. Confit de canard. Blanquette de veau. Couscous. Chocolat.
Voilà, j'ai fait le tour. Bilan: zéro stop malgré l'exhaustivité de ma liste.
Alors je repense à ma carence mystérieuse de la semaine dernière. Et de là élabore cette théorie; si ça se trouve, mon cerveau fait son taf (pour une fois) et cherche à me faire ingurgiter l'aliment permettant de pallier ce manque.
Un aliment sain, donc, probablement.
C'est là le problème. Mon cerveau ne connait pas le nom des aliments sains, il lui est donc impossible d'émettre un message clair de type "je veux un turbot vapeur avec des brocolis." ou même "file-moi du machin qui nage, avec des bidules verts".
D'autant que sa requête semble beaucoup plus élaborée que d'habitude. Je sens bien qu'il veut un truc spécifique et pas courant.
Caprice de neurone qui s'ennuie ou réelle nécessité pour me maintenir en vie ? Dans le doute, je tape "aliments sains" dans Google Image afin de montrer à mon cerveau des photos de choses qu'on n'a pas l'habitude de manger. Une grenade, une pomme, une autruche, des oméga 3 et du radium. Zéro réaction.
Je change mon fusil d'épaule et me dis que peut-être ce besoin n'est pas une faim, peut-être que mon corps réclame du sport.
Je dégaine mon DVD du yoga pour les nuls.
Je le connais par coeur ce DVD, mais le plus important, ce ne sont pas les exercices, c'est la dame. La dame, elle est belle, et doublée comme au téléachat. Elle a une voix douce, un regard qui ne juge pas, et elle sait comment me parler sans que je me braque et que je parte faire la gueule dans la cuisine.
Elle est sympa comme la meuf du GPS, mais en moins autoritaire. Je suis un peu fâchée avec la meuf du GPS depuis qu'elle m'a pris la tête pour que je traverse un champ de patates dans l'Eure et Loire. C'était l'hiver, il faisait nuit, elle me répétait "tournez à droite", je lui répondais, "mais connasse, y a que dalle à droite". Je ne pourrais jamais m'empêcher de penser que ce jour-là, elle a voulu m'assassiner.
La dame du DVD de yoga, elle est beaucoup plus friendly et elle tente pas de me la faire à l'envers, alors j'ai envie de lui faire plaisir, qu'elle soit fière de moi. Et puis elle me connait bien, elle sait qu'à chaque fois qu'elle dit "à présent nous allons nous mettre dans la position du chien la tête en bas", je me marre. Et c'est pas pour autant qu'elle essaie de me virer de son cours, ou de me lourder dans un champ de pommes de terre. (je dis patates mais si ça se trouve c'était du colza ou des vaches, j'en sais rien, je suis une newbie en agriculture).
Bref. Je fais mon yoga. La dame du DVD énonce les exercices. Posture du poisson, posture du chien, posture de l'embryon, posture du visage de la vache, posture du coq. 20 minutes plus tard, le manque me tiraille toujours, néanmoins, je sais désormais que je n'ai envie ni de poisson, ni de chien, ni d'embryon, ni de boeuf, ni de poulet.
Bon. Là on arrive à moment décisif, autrement plus délicat que cette histoire de besoin indéterminé dont - soyons honnêtes - au final, on n'a rien à foutre. Un problème plus grave qu'une faim inassouvie: une carence en chute.
J'ai pas de chute.
Pas la moindre.
Un instant, j'ai envisagé de rebondir sur la patate, mais pour une raison inexpliquée, ça tournait hardcore. Je vous épargne les détails, mais y avait un hangar avec du foin, des patates et un fermier avec des grandes mains.
Et aussi j'ai imaginé un truc entre la dame du yoga et celle du GPS. Tout commençait bien, elles étaient dans la cuisine, la première demandait à la seconde "de quoi t'as faim ?", l'autre répondait qu'elle savait pas trop, puis la dame yoga, qui a l'habitude de bouffer sain proposait innocemment: "un concombre ?" et ça partait en sucette. "Tournez à droite, oui encore, à droite, tout droit, tout droit, faites demi tour, revenez sur vos pas, accélèrez, oui, voilà, ici, encore."
Cela dit, je crois que j'ai enfin mis le doigt sur ma carence, mon cerveau vient de crier "STOP !"
Visiblement, j'ai besoin d'une cucurbitacée.
Génial comme d'hab
coeur coeur
Rédigé par : V | dimanche 06 novembre 2011 à 10:51
"Je crois que j'ai besoin d'une cucurbitacée."
Drôle de surnom pour un mec... :)
Rédigé par : foo | dimanche 06 novembre 2011 à 11:07
Un pâtisson, une courge musquée, un potimarron, un turban turc, une butternut, un potiron, une coloquinte, une calebasse, une courge spaghetti, une longue de Nice... forme allongée ou boursoufflée ?
Bon, j'y vais, j'ai un peu chaud là..
Rédigé par : Blonde paresseuse | dimanche 06 novembre 2011 à 11:25
pour être un peu spirituel, il faudrait dire un truc sexuel. Mais j'ose pas.
Rédigé par : ema / la bienveillante | dimanche 06 novembre 2011 à 13:45
À la crème… bien entendu.
Rédigé par : Axel Nader | dimanche 06 novembre 2011 à 15:53
Tu n'étais pas dans l'Eure et Loire mais dans l'Eure et Loir. Tu t'étais gourée malgré le GPS et tu avais induit la dame en erreur.
Rédigé par : Moi | dimanche 06 novembre 2011 à 17:12
Ah, je comprends mieux " VAZY FAIS PAS TA PUTE, DIS MOI LA CARENCE ! "
Tu m'étonnes, elle était un peu gênée la dame de te dire que tu manquais de...cucurbitacée !
Rédigé par : Biotifoul | dimanche 06 novembre 2011 à 19:45
Mange aussi un peu de carotte pour avoir les fesses roses, ca peut aider.
Rédigé par : mlle ocytocine | lundi 07 novembre 2011 à 10:16
La sincérité de cette chute est touchante. Je me demande, toutefois, si la compensation précise de cette carence n'en génènerait pas d'autres, plus sournoises, plus nombreuses, plus insupportables.
Rédigé par : Stiop | lundi 07 novembre 2011 à 15:10
Je connais une cucurbitacée qui serait ravie de faire votre connaissance, vous la faites bien rire. Elle n'est pas très grande, elle n'est pas très grosse, et pour couronner le tout elle vit en province, n'hésitez pas à faire signe si vous passez par Besançon.
Rédigé par : mlemehdi | lundi 07 novembre 2011 à 19:49
HAN comment ça m'est déjà arrivé :OO
Et puis finalement j'avais envie d'une tomate.
Genre.
Une tomate quoi...
Parfois je ne suis plus mon corps.
Rédigé par : Came | mardi 08 novembre 2011 à 11:33
Assez cohérent comme histoire. Un cerveau composé d'un seul neurone ne peut effectivement s'exprimer que par "tout ou rien" (stop/silence). Avec un peu d'ingéniosité et de patience, on pourrait peut-être lui apprendre le morse...
Rédigé par : Crapaud Rouge | jeudi 10 novembre 2011 à 23:00
moi, dans le GPS, j'écoute toujours le Monsieur : la dame n'a aucun sens de l'orientation.
Rédigé par : stephane | samedi 12 novembre 2011 à 09:59
"carence"..c'était pas le lion qui louche dans daktari??..ah vous pas connaitre daktari??
Rédigé par : Satelli | mercredi 14 décembre 2011 à 18:15
"carence"..c'était pas le lion qui louche dans daktari??..ah vous pas connaitre daktari??
Rédigé par : Satelli | mercredi 14 décembre 2011 à 18:15
"carence"..c'était pas le lion qui louche dans daktari??..ah vous pas connaitre daktari??
Rédigé par : Satelli | mercredi 14 décembre 2011 à 18:17