J'ai décidé d'arrêter les séances de psy.
Tout a commencé le jour où j'ai retrouvé ma calculatrice fx 92 et où j'ai été prise d'une frénésie de calculs. Au début, je calculais des choses cohérentes, par exemple je multipliais la hauteur du plafond de la salle de bain par le nombre de Taillefine fraise non périmés dans le frigo, puis j'ai perdu le contrôle, et je me suis mise à compter mon salaire, mes impôts, mes frais de taxi, ainsi je suis arrivée à ce constat : une séance d'épilation laser coûte 150 euros, à raison de trois séances par zone et de trois zones, ça fait… 1350 € pour une épilation complète et définitive de mon corps, si je divise par 50 (soit le coût d'une séance de psy), ça fait 27 séances de psy, soit 27 semaines : je devrais donc ne plus avoir le moindre poil depuis au moins six mois.
Et aussi je ne supporte plus mon psy. Quand il reprend mes phrases à la première personne, j'ai envie de lui sortir un oeil de sa cavité (mais sans arracher le nerf) et de le mâchouiller en lui disant : "je me fais mâchouiller le globe occulaire, cela ne serait-il pas en lien avec le fait que lorsque j'étais petit, ma mère servait toujours mon petit frère avant moi le jour des raviolis malgré mon amour pour ces derniers ?"
Mettre fin à une thérapie, c'est plus dur que de mettre fin à une relation. Un psy, c'est fourbe, ça sait se démerder pour finir chaque séance sur un cliffhanger (rappel wikipédia : "On dira qu’il y a cliffhanger quand un récit s’achève avant son dénouement, à un point crucial de l’intrigue, quitte à laisser un personnage dans une situation difficile, voire périlleuse.»). Du coup, t'es obligé de revenir la semaine suivante pour connaître la suite de l'histoire de ta propre vie. C'est pervers.
Je suis nulle pour quitter, une fois j'ai mis 4 ans à quitter quelqu'un après trois semaines de relation foireuse. Là, j'avais prévu de le faire à l'issue de la séance, ma phrase était déjà prête: "docteur.." là il m'aurait coupée ; "je ne suis pas docteur", alors je me serais reprise : "docteur, c'est fini entre nous." et je serais partie en courant.
Pour clore nos aventures sans lui laisser la possibilité de rebondir, j'ai décidé lui raconter mon mal-être de la semaine, qui est un tout petit mal sans conséquence, une anecdote à 50 €. "Don't feed the troll, ioudgine", me répétais-je en m'installant face à son bureau.
J'ai découvert une chose infâme. Mon nouveau téléphone capte très mal chez moi, sauf si je me pose le cul dans l'évier dans la cuisine pour converser. Jusqu'à l'incident de la fourchette, cela ne me posait pas de problème et...
- Vous voulez parler de l'incident de la fourchette ?
- A vrai dire c'est très simple docteur, je me suis assise sur la fourchette et…
- Je ne suis pas docteur. Je m'assois sur une fourchette, et…
- J'ai mal au cul, docteur.
- Mm…
- Mm ?
- Mmm...
- Mm…?!
- Continuez.
Donc les gens n'entendent pas ce que je dis. Ils parlent, pensent que je les écoute, et interprètent mes silences comme autant d'instants de réflexion et de réponses affirmatives. Personne n'entend plus mes "non", aussi je n'ai plus prise sur mon existence, laquelle est devenue terriblement....positive. Je n'ai jamais signé autant de contrats, rentré autant de pognon, et vécu d'idylles si parfaites que depuis que je suis muette. Peut-être même que bientôt j'aurais une sécu.
- Oh ?!
- J'ai dit "peut-être", ne nous enflammons pas. Donc ma vie va mieux depuis qu'on ne m'entend plus, c'est assez perturbant.
- Ma vie va mieux depuis l'incident de la fourchette.
- J'aime pas trop ce raccourci.
- Mm ?...
- Vous me dites qu'une fourchette dans mon cul a amélioré ma vie.
- C'est vous qui le dites.
- Non faites pas ça.
- Je n'ai rien fait.
- Qui ? Vous ou moi ?
- ...
- Je n'ai rien fait depuis que j'ai pris une fourchette dans le cul ou vous n'avez rien fait depuis que vous avez pris une fourchette dans le... ? Oh, attendez...
- ...
- Vous savez que je pourrais être imberbe si vous n'existiez pas docteur ?
- Je ne suis pas docteur.
- Et je ne suis pas imberbe. J'envisage d'arrêter nos séances afin de me faire épiler à vie.
- Mmm.
- Je n'aurai plus aucun poil, jamais, vous comprenez ? On ne peut pas sombrer dans la dépression quand on n'a pas de poil, c'est impossible.
- Vous voulez qu'on reparle de la fourchette ? Il nous reste 3 minutes.
- Je préfère pas.
- Vous ne vous dites pas que…
- Non.
- … que la fourchette pourrait être le symbole de...
- Non. Chut, je veux pas savoir.
- Ok je reste muet jusqu'à la fin de la séance.
- Parfait.
…
- Voilà voilà… Encore deux minutes.
…
- C'est long.
-…
- ARGH OK JE REVIENS LA SEMAINE PROCHAINE POUR PARLER DE LA FOURCHETTE DANS LE CUL.
- Mmm.
Je file acheter des fourchettes.
J'ai besoin que ma vie s'améliore et un cul suffisamment large pour accueillir une ménagère 24 pièces en argent.
Ça tombe bien, c'est les soldes chez Guy Degrenne.
Rédigé par : Blonde paresseuse | mercredi 11 juillet 2012 à 12:38
BRAVO. La vie n'est qu'un choix où s'entremêle désir et opportunité avec un goût d'inachevé: C'est terrible.…terrible…
Rédigé par : Axel Nader | mercredi 11 juillet 2012 à 13:50
ioudj, si je peux t'aider... on m'a toujours dit que j'avais un bon coup de fourchette !
...et j'adore rendre service. Si, si, vraiment !
Rédigé par : Annus horribilis | mercredi 11 juillet 2012 à 22:00
Oh yeah beybai, tu es revenue. Et c'est bon.
Rédigé par : Snorkette | jeudi 12 juillet 2012 à 04:50
Tragiquement drôle le coup du mec avec lequel tu es resté 4 ans pour euh rien...
Rédigé par : la belette | mercredi 25 juillet 2012 à 09:03