Je pensais avoir grave assuré pour les cadeaux de Noël cette année, je m’y étais pris pathologiquement tôt, genre en NOVEMBRE, comme les ieuvs, et m’étais félicitée en m’offrant une double Nuit Calme que j’avais siroté en robe de chambre au coin du feu, avec deux werther's original, avant d’aller me pieuter à 21h12.
Les semaines suivantes furent merveilleuses, derrière mon clavier, j’observais la panique grandissante de mes médiocres amis, lesquels, évidemment, attendaient le dernier moment pour se ruer, comme des cons, dans les grands magasins.
A cette époque (la semaine dernière), régulièrement, lorsque je passais dans la salle de bain, je ne pouvais m’empêcher d’embrasser langoureusement mon reflet dans le miroir. Ce reflet qui, formidable, avait début décembre reçu l’intégralité des cadeaux, tous merveilleux, pour combler la petite famille à Noël, et ce, sans bouger son incroyable fessier de son canapé.
J’étais une personne si supérieure, la semaine dernière. Un exemple pour la France.
Et puis mardi, je réalise que j’ai oublié un cadeau.
Toujours formidable, mais un peu plus tendue quand même, je comprends que je ne vais pas pouvoir faire confiance à la Poste et vais donc devoir faire un tour dans les grands magasins, je trouverais bien quelque chose, et puis, ça doit encore être calme.
HAHAHA.
Quand je pars, mon immeuble est en feu.
Non c’est pas une métaphore, y a un incendie à mon étage, dans les appartements du bout du couloir, mais là encore, je me sens intouchable, car les cadeaux, eux, sont en Provence, à l’abri.
Alors je laisse vingt pompiers s’occuper du truc, et évacue les lieux, sourire aux lèvres, telle une pyromane satisfaite de sa journée. M’en fous, j’ai presque tous mes cadeaux de Noël.
Je me rends aux Galeries Lafayette, certaine d’en découdre en moins de dix minutes.
Sauf que je me retrouve entre un groupe de chinois et un stand Chanel, et dix minutes, c’est le temps qu’il me faudra pour m’extirper de la masse hystérique.
Mais je reste cool, car j’ai un plan : je vais aux fringues, je trouve un truc super, original et beau, je paye, je me casse, je rentre chez moi voir si tout l’immeuble a brûlé ou bien si j’ai encore loupé une occasion de me débarrasser de mon appartement qui fuit de partout, investissement immobilier réalisé avec mon instinct. avec my guts, comme ils disent dans les séries américaines quand ils sont trop sûrs d’avoir raison alors que toutes les preuves sont contre leur théorie, et qui moi m’avait fait dire le jour de la visite, non mais y a des petites fuites mais c’est rien ça, c’est bon j’achète !
Sauf que ça se passe pas comme ça.
Pour éviter d’autres chinois, je traverse Guerlain. Ah, j’ai une anecdote sur Guerlain. Ils ont ce parfum, Shalimar, un truc que tu mets les soirs où tu veux pécho, c’est hyper efficace ; un peu vulgaire, comme aiment les hommes de la nuit, et si lourd, qu’il te permet de faire ta walk of shame du matin accompagnée d’une fragrance toujours présente, pas comme ce string que tu ne retrouveras jamais. Et il se trouve que ce parfum rend les chiens fous. Perso j’ai failli me faire féconder par un teckel, un cocker américain et un golden retriever en le portant. Alors je me dis : sont pas cons chez Guerlain, ils se sont dit, si femme = pute, donc homme = chien. Il se trouve que l’équation fonctionne, c’est peut-être un hasard. Mais du coup, je me dis que si ça se trouve, l’ingrédient secret, c’est du pipi de chienne.
Et j’imagine, dans un monde honnête, l’acheteuse un peu bourgeoise humer le Shalimar :
- Hum, qu’est ce que cette senteur florale ? Du jojoba ?
- C’est de l’urine de chienne madame
- Ah ? Mais de quelle race ? C'est bien une chienne de race n’est ce pas ?…
Pas le temps de laisser divaguer mon imagination, je suis en mission.
Je décide de partir vers les écharpes, OUI, C’EST NUL, mais mon cerveau est asséché par des heures passées sur toutes les rubriques « sélections Noël » de tous les sites internet du monde, et un peu par le monoxyde de carbone.
Je cherche une marque qui me tente, mais surtout, un vendeur. C’est la roulette russe ici, soit tu tombes sur quelqu’un de sympa, soit tu tombes sur un connard qui te parle comme s’il gagnait dix fois ton salaire, mais bon, qu’il continuait à faire vendeur pour le fun et pour rester simple.
Grâce à mon instinct, qui, vraiment, n’a jamais démérité depuis qu’il m’a fait perdre ma virginité avec un éjaculateur précoce ; je tombe évidemment sur le plus gros fils de pute de vendeur de toute l’histoire des fils de pute.
J’articule je voudrais une écharpe tout en fixant mes pieds, parce que quelque part, je sais bien qu’il va me juger.
Et il ne se gêne vraiment pas.
Il me jette le regard qu’on jette aux gens qui achètent des écharpes pour Noël. C’est le même regard qu’on te lance quand tu vas chez Dior acheter un porte-clefs.
Non mais je vais pas chez Dior acheter des porte-clefs, c’était juste pour l’exemple.
Oh et puis merde, c’est arrivé qu’une fois, j’étais en dépression et le prozac me filait des nausées, enfin bref.
Bref j'ai dit.
Donc le mec me détaille de la tête aux pieds, note bien que je porte sur moi pour moins de 20 000 euros de fringues et se traine jusqu’à une étagère pleine d’écharpes.
Il me dit d’entrée, faut du cachemire ou rien.
La dernière fois qu’un vendeur m’a dit c’est ça ou rien ; je suis ressortie de chez Louboutin avec des talons de 10, parce que personne ne regarde les femmes en dessous du 10, sauf que je peux pas marcher avec, donc je les mets chez moi quand je fais des apéros bière foot avec des potes. Mes fameuses soirées Louboufoot.
Enfin bref, va pour ton putain de cachemire.
Il me sort une écharpe, VRAIMENT TRÈS JOLIE, à 1750€
Je lui dis que peut être c’est….
Il soupire.
Il me sort une écharpe à 1680€
Je soupire. Il me méprise tellement fort que ça me bloque un peu la nuque, j’ai envie de répondre Je sais pas connard, t’en achètes 10 avec ton salaire de vendeur milliardaire, tu les couds, et t’en fais une couverture pour ta chienne de race qui pisse du Shalimar.
Sauf que, comme j'ai que de la gueule (et un blog), je me contente de répondre : rien.
Alors, vraiment parce qu’il sent que je suis super pauvre, il m’en tend une dernière à 1200€. Pour lui sans doute le modèle le plus en vogue auprès des réfugiés dans la jungle de Calais.
J’ose lui faire remarquer qu’il en existe d’autres, là, un peu plus loin, à SEULEMENT trois chiffres ; il leur jette un regard comme si ça lui brûlait les yeux, et me répond, Ah, oui, mais bon, ça c’est du cachemire moins… enfin vous voyez, c’est quand même désagréable à porter.
Je suis dépitée.
Et je repars.
Je traverse le pipi de chien, les chinois, je me retrouve dehors, il pleut et il fait froid. Mon écharpe à deux chiffres me démange, je la trouve rugueuse, elle m’étouffe. Alors je comprends que les galeries m’ont brisée et reconstruite, comme dans la Légion Etrangère. Depuis je considère toute écharpe en dessous de 1500 comme un torche cul.
Et j’ai froid.
J'ai laissé tomber cette histoire d’écharpe, j’ai pas les moyens, mais j’ai une nouvelle idée. Sauf que pour ça j’ai besoin de prendre les mesures sur un mâle sans qu’il sache que je prends des mesures sur lui.
Alors je le fais la nuit, quand il dort. et comme j’ai pas de mètre souple je le fais avec mon double décimètre du collège et c’est pas simple. Ça fait trois nuits que j’essaye sans succès de le rouler sur le double décimètre sans le réveiller ou lui percer un poumon.
Et l’appartement n’a pas brûlé.
Globalement, je suis vachement moins merveilleuse que la semaine dernière.